
Ce jeudi 2 juin 2016, le Bundestag allemand pourrait voter une résolution reconnaissant le génocide des Arméniens. Ce vote ferait suite à la déclaration du président allemand Joachim Gauck, qui avait reconnu le Génocide l’an dernier, à l’occasion du centenaire. Le texte a été mis à l’ordre du jour grâce à Cem Özdemir, député d’origine turque (circassien) et chef du parti Vert allemand. Il a pour intitulé «Souvenir et commémoration du génocide des Arméniens et d’autres minorités chrétiennes il y a 101 ans ».
Plusieurs partis politiques dont le SPD, la CDU et les Verts se sont mis d’accord pour voter en faveur du texte, ce qui lui donne une grande chance d’être adopté. L’Allemagne n’a pourtant semble-t-il aucun intérêt dans cette histoire. En votant cette résolution, elle prend le risque de faire voler en éclat l’accord turco-européen sur les réfugiés syriens. Si la loi passe, le président Erdogan, dont chacun connaît l’éthique, serait prêt à laisser les réfugiés regagner l’Europe par la mer. Il serait alors le principal responsable d’une tragédie qui a déjà fait des milliers de morts, noyés.
Le chef d’Etat turc a d’ailleurs déjà mis la pression sur Berlin. Le vote pourrait selon lui « détériorer toutes les relations avec l’Allemagne ». Il exhorte Angela Merkel à faire preuve de « bon sens » qui prend non seulement le risque de contrarier l’allié stratégique de l’OTAN mais aussi prend celui de se mettre à dos les trois millions de citoyens allemands d’origines turque.
L’Allemagne délaisserait ainsi la raison d’État au profit de la morale d’État.
Cette reconnaissance du Génocide des Arméniens sera sans aucun doute un tournant dans le combat que mènent les Arméniens depuis 101 ans.
Comme chacun le sait, Berlin était la principale alliée de l’Empire ottoman pendant la Première guerre mondiale. Elle était au plus près des instances décisionnaires turques. De nombreux émissaires, notables et humanitaires allemands étaient présents en Anatolie pour témoigner du meurtre de la Nation arménienne. Cette reconnaissance isolerait la Turquie sur la question arménienne. Elle porterait un coup sévère à sa diplomatie négationniste. Après que son propre allié ait reconnu le crime, qui, pourrait encore croire au mensonge d’État ?
Par ailleurs, Berlin admet par la même occasion sa propre responsabilité. Le projet de résolution précise que « le Bundestag reconnaît la responsabilité historique de l’Allemagne ». Cette courte phrase est lourde de sens car la notion de « responsabilité » induit celle de réparation.
Le texte que vont voter les députés allemands va dans le bon sens. Mais nous invitons l’Allemagne à prendre ses responsabilités en chassant la question du Génocide des Arméniens de la sphère mémorielle pour qu’elle investisse pleinement la sphère réelle des réparations.
Quel autre État que l’Allemagne, responsable de la Shoah, peut inciter la Turquie en ce sens ?
Et quelle autre ville que Berlin peut le mieux incarner le changement de paradigme qu’est en train de prendre la cause arménienne, celui de la justice et des réparations.
SH
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