Le Tashnagtsagan selon Dasnabedian : membre engagé et parangon de vertu

En tant que jeune Norserountagan, je vois souvent des amis et des proches se poser des questions sur la FRA et son histoire, ses actions, ses membres, etc. tout en cherchant à savoir quel pourrait être le meilleur profil d’un membre pour avoir sa place dans ce long processus de construction de l’identité arménienne.

En estimant que ces interrogations – aussi légitimes qu’elles soient – méritent d’avoir des réponses, j’ai décidé de lire Qui est le Tashnagtsagan ? (1995) de Hratch Dasnabedian (historien et intellectuel arménien éminent), aussi bien pour assouvir ma curiosité que pour apporter des éléments de réponse à partir d’une grande référence. Cet article, inspiré pleinement de cet ouvrage, se doit ainsi d’interpréter ses grandes lignes et de mettre en valeur les idées que Hratch Dasnabedian a élaborées.

Il est pertinent de souligner dès le départ que, par définition, est considéré comme Tashnagtsagan (terme emprunté de l’arménien Դաշնակցական) tout membre de la Fédération Révolutionnaire Arménienne (FRA) qui s’approprie pleinement son programme ainsi que sa méthodologie de travail, obéit scrupuleusement à ses règles et à ses décisions, tout en fournissant l’effort nécessaire pour les mettre en pratique. On s’attendra également à ce qu’il soit intégré au sein du groupe local le plus proche de son lieu de résidence, tout en remplissant les obligations matérielles, financières et morales qui lui seront imposées par respect à son engagement.

En effet, si un Tashnagtsagan s’engage en tant que membre de la FRA et adhère aux règles organisationnelles requises, il reste là pour représenter, avant tout, un modèle moral exemplaire, et c’est surtout grâce à cette quête d’exemplarité que l’histoire parvient à justifier sa place parmi les rares entités dotées d’une vision intellectuelle distincte qui poursuivent des objectifs spécifiques et opèrent selon des règles organisationnelles bien définies. L’idéal moral du Tashnagtsagan constitue ainsi un héritage qui se reflète dans chaque acte d’héroïsme remarquable que nous avons su identifier et nous sommes bien en mesure de présenter les traits fondamentaux qui composent le parangon vertueux, source d’inspiration du Tashnagtsagan :

  1. 1)  L’idéalisme, conjugué à l’activisme et au dynamisme, se révèle être un élément organisationnel de première importance, qui incarne une source d’une foi inébranlable en un objectif commun, mais aussi un dévouement total et sans réserve. En effet, seul l’idéalisme a le pouvoir de métamorphoser les individus en véritables héros, en les incitant à dépasser les limites ordinaires et à aspirer à des actes d’altruisme. Stepan Zorian, plus connu sous le pseudonyme de Rosdom, incarne parfaitement cet attribut fondamental du caractère d’un membre de la FRA : en tant que l’un de ses membres fondateurs, il a toujours été présent là où le travail et la raison étaient nécessaires – que ce soit dans le Caucase, à Genève, à Constantinople ou à Van. Son nom est associé à de nombreuses activités diplomatiques et de sensibilisation du public au cours des trente premières années de notre organisation, fondée en 1890.
  2. 2)  Une foi indomptable et un dévouement total envers les objectifs de la FRA représentent également des traits fondamentaux pour faire du Tashnagtsagan un

parangon de vertu et de valeurs morales au sein de cette association qui prône le dévouement désintéressé et l’abnégation sans compromis. L’histoire de la FRA regorge ainsi de plusieurs actes d’héroïsme désintéressé comme le décès de Yeprem Khan, de Keri et de Sebastatsi Mourad, qui, bien qu’étant des commandants, se sont battus aux côtés de leurs camarades sur les lignes de front. De nombreux autres exemples, tous aussi remarquables les uns que les autres, illustrent les principes sous-tendant l’esprit d’altruisme et de dévouement total du membre envers l’idéal.

  1. 3)  Chaque individu doit aspirer à devenir un modèle d’excellence morale et intellectuelle, à l’image de Simon Zavarian. Son dévouement et sa moralité irréprochables, son intégrité tant sur le plan intellectuel que matériel, sa diligence extrême dans la gestion des finances de l’organisation, ainsi que sa modestie et son humilité, sont devenus des éléments fondateurs et des traditions parmi les membres. Bien que Zavarian n’ait pas été emporté par les combats, sa vie entière a été un remarquable exemple de dévouement sans faille, de travail acharné, de force morale, de modestie et d’humilité. C’est donc bien cet état d’esprit qui doit être la pierre angulaire du dévouement de chaque membre.
  2. 4)  La modestie émerge également comme une vertu fondamentale, inspirée par l’exemple de Simon Zavarian, et souvent associée à la camaraderie et au respect mutuel, ainsi qu’à l’affection et la dévotion, valeurs encouragées par les trois membres fondateurs de la FRA et transmises par des figures comme Aram Manoukian et Roupen Ter Minassian. Il est alors indéniable que la tradition chez les membres de cultiver une intégrité, une incorruptibilité, une honnêteté, une minutie et une diligence absolues dans les activités organisationnelles et publiques, est une vertu promue par Simon Zavarian.
  3. 5)  La noblesse et la chevalerie se présentent également comme des attributs moraux par excellence du Tashnagtsagan, attributs qui remontent à la période de Renaissance du peuple arménien (allant de 1903 à 1918). Cet esprit de noblesse et de chevalerie s’accompagne d’un idéal national et d’un dévouement total à la cause arménienne. La renaissance du noble héritage au sein de la nation arménienne a été réalisée grâce à la FRA et à la « tashnagtsaganeté » qui ont engendré une grande force capable de libérer l’Arménie des tragédies inhumaines qu’elle a vécues.
  4. 6)  Le courage et l’audace constituent les attributs qui viennent compléter l’archétype moral du Tashnagtsagan. Sans ces deux qualités, même le dévouement intellectuel ne suffirait pas à expliquer la grandeur de dirigeants comme Sarkis Zeitlian ou Hrayr Maroukhian. Il serait même inconcevable d’expliquer la remarquable émergence de l’intellectuel arménien, à la fois chevalier intellectuel des temps modernes et fidèle Tashnagtsagan.

Cela dit, pour atteindre ce grand niveau moral, il est nécessaire d’établir une conformité et une auto-discipline, des composantes indispensables de la fibre intellectuelle et morale de la « tashnagtsaganeté ». Sans une adhésion totale au caractère moral, la simple maîtrise des règles et des objectifs de l’organisation ne suffirait pas à façonner un véritable membre et sans l’ensemble des traits et des préceptes moraux que nous venons de décrire, la FRA n’aurait été qu’un mouvement arménien parmi d’autres. Il est d’ailleurs tout à fait

compréhensible qu’après avoir été admis dans les rangs de la FRA, de nombreux individus se révèlent dépourvus de la fibre morale nécessaire. Incapables de s’harmoniser avec cet environnement moral qu’ils jugent trop contraignant et trouvant les attentes strictes, ils finissent par quitter l’organisation.

Chers lecteurs norserountagans, aucun d’entre nous ne peut prétendre aujourd’hui réunir toutes les qualités idéalistes de Simon Zavarian, le dévouement exemplaire de Christapor Mikaelian, l’activisme dynamique de Stepan Zorian (Rosdom), l’intrépidité de Sebastatsi Mourad, l’audace de Kevork Chavoush, la modestie de Nigol Touman et l’engagement héroïque et altruiste de nos premiers militants. La « tashnagtsaganeté », avec sa diversité d’attributs, représente l’héritage collectif de ces individus particulièrement remarquables, qui ont façonné un esprit et une atmosphère qu’il faudra entretenir comme source d’inspiration. C’est pourquoi, pour être dignes de la vocation exigeante du Tashnagtsagan vertueux et authentique, nous devons ainsi nous efforcer chaque jour de devenir de meilleurs Tashnagtsagans. Parce que le peuple arménien, régulièrement confronté à des menaces existentielles, a besoin de cet esprit révolutionnaire.

Peno HM