La question n’est pas de savoir si vous êtes pour ou contre Pashinyan mais de savoir si vous êtes pour ou contre l’Arménie.

La situation en cours en Arménie est de notre faute à tous. 

Et vous savez pourquoi ? 

Parce qu’on ne s’intéresse pas à ce qu’il s’y passe et à ce que fait le Gouvernement arménien. 

Les Arméniens en diaspora n’ont pas le droit de vote, c’est vrai. 

Ils n’ont probablement pas le droit de s’impliquer dans la vie politique en Arménie, on peut en discuter. 

Mais ce qui est certain c’est qu’ils ont le droit, voire même le devoir, de s’intéresser à ce qu’il se passe en Arménie. 

La définition même de diaspora, c’est celle de personnes qui sont loin de leur pays mais qui ont tous pour point commun ce même pays, avec sa culture, ses valeurs, son histoire etc. 

Or l’histoire de l’Arménie est en train de s’écrire en ce moment même. 

Et qu’on le veuille ou non, elle s’écrit de manière catastrophique. 

Pourtant, la diaspora ne s’en intéresse que de très loin. Elle ne semble pas comprendre que passer 45jours à crier pour demander de l’aide internationale n’est pas efficace. Malheureusement, nous en avons eu l’amère expérience récemment. 

Ce qui peut être plus efficace, par contre, c’est de s’assurer qu’une telle catastrophe ne se reproduise plus et cela passe par le renforcement de l’État arménien. 

On peut aussi faire le choix de renoncer complètement à l’Arménie, de ne s’y intéresser que pour y envoyer des chèques et des dons humanitaires quand il va mal et où on va passer des vacances quand il va bien.

Je crois, j’espère, que ce n’est pas comme cela que la plupart des Arméniens voient leur lien avec l’Arménie. Continuons donc cet article. 

Malheureusement, le traitement de l’information en France de ce qu’il se passe en Arménie est (par incompétence ou volontairement) caricatural. 

J’ai en tête l’exemple d’une journaliste qui, pour décrire l’opposition, compare le visage triste de Pashinyan à Yerablour au sourire de Vazgen Manukyan, candidat de l’opposition sur la place de la République. Et voilà : comment discréditer un candidat de l’opposition qui se bat pour l’Artsakh depuis 1988 : il a souri un jour de deuil. 

L’information sentimentale et non par une analyse factuelle de la situation : on sait où cela nous mène. 

Nous avons tous le droit d’avoir des avis divergents, c’est même ce qui fait la richesse d’un peuple. C’est l’échange, le partage d’information, les débats. Mais quand ces échanges sont empêchés par ceux qui préfèrent « faire le deuil et être unis », on ne peut pas se reconstruire. 

Il va sans dire que notre gratitude est infinie envers les soldats qui sont tombés pendant cette guerre et pendant toutes les guerres d’Arménie. Nous ne pourrons jamais être à la hauteur de leur sacrifice. Mais ce n’est pas leur rendre justice que de se murer dans un deuil infini en attendant que cela aille mieux et que l’on se relève comme par magie. Au contraire, cette politique de l’aveugle c’est contribuer à ce que d’autres catastrophes de ce genre continuent d’arriver. 

Tant que nous n’avons pas fait un réel bilan de la situation, tant que nous n’avons pas pansé nos plaies, nous ne pourrons pas avancer. 

Où en sommes-nous aujourd’hui ? 

Essayons donc de comprendre ensemble la situation. 

Les Arméniens en Arménie, comme en diaspora, sont divisés. Ils n’ont probablement jamais été aussi divisés. 

Finalement, pourquoi cette « haine » envers Pashinyan ? C’est le seul Premier ministre élu démocratiquement en Arménie ! Pour une fois qu’on a un Premier ministre élu démocratiquement, pourquoi voulez-vous qu’il démissionne ? 

C’est la question que beaucoup doivent se poser. 

Alors essayons de comprendre ensemble. 

Avant la guerre 

Remontons quelques instants à une période avant la guerre du 27 septembre 2020 pour comprendre le parcours de Pashinyan : 

Nikol Pashinyan s’est notamment fait remarquer en 2008 pendant les manifestations du 1er mars contre les élections (truquées) qui ont permis le passage de Robert Kotcharyan à Serge Sargsyan. 

10 citoyens arméniens sont morts durant ces manifestations. Pendant ces mouvements de contestation, Pashinyan appelle à se débarasser des « saletés de kharabaghtsi qui ruinent le pays ». https://www.facebook.com/629758949/posts/10158643587668950/?d=n

Cette rhétorique est utilisée par Levon Ter Petrosyan qui, au lieu de nommer Serge Sargsyan et Robert Kocharyan par leurs noms, les appellent les « Kharabaghtsis » et associe l’image des gens qui viennent d’Artsakh avec celle de corrompus et de voleurs qui ruinent l’Arménie. 

La même année, en 2008, Nikol Pashinyan publie son livre « le sens opposé du pays » « Երկրի հակառակ կողմը » dans lequel, p.290, il dit en parlant de l’Artsakh : « notre cœur veut que le champ (le territoire) soit à nous, mais le cerveau dit il ne faut pas mettre en danger la totalité (du pays) pour un morceau de territoire. Il faut déclarer et déclarer haut et fort que ces territoires ne nous sont pas utiles et que nous sommes prêts à rendre les terres au nom de la paix » 

EN 2008 !

Vous trouverez ci-joint un lien où le paragraphe est surligné, mais vous pouvez lire vous-même cet extrait dans le livre de Pashinyan cité plus haut, p. 290. https://www.facebook.com/103445171601805/posts/112022710744051/?d=n

Dix années plus tard, en 2018, en tant que député de l’opposition, il lance la révolution de velours pour s’opposer à la manœuvre (clairement non démocratique) de Serge Sargsyan qui utilise le changement constitutionnel pour se représenter au pouvoir. 

Il est intéressant de revenir sur ses prises de paroles concernant l’Artsakh pendant la révolution de velours et qui soulignent sa méconnaissance du sujet (la sienne, ainsi que celle de son équipe qui lui glisse de fausses réponses concernant les territoires d’Artsakh) : https://www.facebook.com/100001094822516/posts/3670906819622443/?d=n

Je mets ce lien, je peux en trouver d’autres. 

Mais nous pensions tous à autre chose à ce moment-là (moi la première). Nous pensions à nous « débarrasser de la corruption ». Et peu importe si on nous prévenait en disant que Nikol est l’élève de Levon Ter Petrosyan et qu’il faut s’en méfier sur les questions de l’Artsakh. Peu importe. Nous voulions (moi la première) le renouveau pour l’Arménie et que la révolution réussisse. 

Magnifique, la révolution a réussi ! 

Une révolution démocratique et anti-corruption ! Quelle joie !

Je ne citerai que peu d’exemples sur ces questions de démocratie et d’anti-corruption parce que l’objectif principal de mon propos était de parler de la question d’Artsakh mais on pourra y revenir plus tard : 

  • Nikol Pashinyan le démocrate cherchait à se débarrasser du Président du Conseil constitutionnel. Vous savez la technique qu’il a trouvé pour s’en débarrasser ? Il l’a accusé de tentative de corruption par offrande de stylo (non, non, vous ne rêvez pas)… L’histoire avait fait polémique en Arménie et est une histoire parmi tant d’autres pour illustrer ce « nouveau chapitre démocratique de l’Arménie ». https://www.facebook.com/136273049729218/posts/3007383245951503/?d=n 
  • Nikol Pashinyan le démocrate à peine arrivé au pouvoir continue sa rhétorique du manifestant du 1er mars 2008 en divisant la population de « blancs/noirs » et en assurant qu’il « collera au goudron » « Ասֆալտին փրել » tous les oligarques. 
  • Et qu’en est-il ? Le fait-il vraiment ? Sanctionne-t-il réellement les oligarques ? Il se rapproche plus que jamais de l’oligarchie notamment de « Grzo » ou de « Lfik Samo », Samvel Alexanyan de son vrai nom, un des plus grands oligarques du pays, propriétaire des réseaux Yerevan City. Il le reçoit même le 23 novembre, après avoir signé le traité de capitulation, alors qu’il promettait après avoir signé ledit traité, qu’il allait nationaliser tous les biens des oligarques du pays : https://verelq.am/hy/node/77145?fbclid=IwAR1BrMF-6aRCRYEGOaZReJkOfDKJoOG97YFzlchOSCoPpl-GJYJy-cZvJ_E

Mais revenons à la question d’Artsakh : 

Pashinyan annonce que pour négocier la question d’Artsakh, il commence d’un point 0, nouveau, qui est le sien et non plus celui des anciennes positions diplomatiques de l’Arménie : https://youtu.be/WEeLf_YqEtY

Quand le Parlement lui demande : « très bien, mais qu’est-ce que vous négociez » ? Il répond « je négocie ce que je veux ». https://youtu.be/kQahhkdcoV0

Avant que la guerre éclate, il assure que nos armes ne sont plus dans les années 80 et que depuis ces deux dernières années, nous sommes armés avec une technologie de pointe. Il insiste sur ce point dans son discours de vœux le soir du 31 décembre 2019. https://www.youtube.com/watch?v=RsiCx48zous

Son Ministre de la Défense David Tonoyan va même jusqu’à dire que, dorénavant, nous ne sommes plus sur la défensive, nous sommes tellement prêts que notre idéologie change : nous ne faisons plus la guerre pour nous défendre, nous ferons la guerre pour récupérer de nouveaux territoires https://youtu.be/Ym88Qk9IHWs 

Par ailleurs, ce même ministre de la Défense, quand un journaliste lui pose la question, avant la guerre, de savoir si notre armée n’aurait-elle pas besoin de s’équiper en drones, notamment en drones israéliens, il répond que l’efficacité de ces drones est très limitée et que nous n’en avons pas besoin… https://www.facebook.com/100000620593289/posts/3760899690607347/?d=n

Le Ministère de la Défense arménien aura au lieu de cela, fait le choix de dépenser 130 millions de dollars (à titre de comparaison, c’est 3/4 de la somme de ce qui a été récolté pendant la guerre par le Fonds Arménien) sur des avions militaires SU-30 qui n’auront jamais servi sur le terrain militaire, sauf à prendre des selfies pour Pashinyan. https://www.facebook.com/192370657481/posts/10158716263032482/?d=n

Et puis, la guerre éclate. 

Beaucoup avaient prévenu les forces arméniennes de l’imminence de cette guerre. La présence des djihadistes venus de Turquie et étant en Azerbaïdjan avait déjà fait le tour de la toile. 

La guerre éclate mais nous ne sommes pas prêts. Les appels à la guerre se font par live Facebook, les recensements se font par volontariat et nombreux sont ceux, même dans la diaspora, qui vous témoigneront de leurs recensements auprès des autorités arméniennes et du fait qu’ils n’ont jamais été appelés. Curieux quand nous comparons la manière dont cette question avait été gérée pendant la première guerre d’Artsakh, alors même que contrairement à maintenant, nous n’avions pas d’État. 

Curieux aussi, quand on sait qu’Arayik Harutyunyan, le président de l’Artsakh a demandé un envoi d’aide à Nikol Pashinyan à plusieurs reprises et que cette aide n’est jamais arrivée. https://www.facebook.com/100001094822516/posts/3679166845463107/?d=n

Par ailleurs, tout au long de la guerre, les Arméniens se demandent régulièrement pourquoi l’aide internationale, notamment celle des Russes n’arrive pas. Je vous laisse lire les déclarations d’Alen Simonyan, proche parmi les proches du Premier ministre Pashinyan et Vice-Président de l’Assemblée nationale arménienne qui affirme : « nous ne saisissons pas l’autorité du CSTO, l’Organisation du traité de sécurité collective conclu avec les russes parce que « les frontières arméniennes ne sont pas atteintes. Quand elles le seront, et que nous serons surs de la position commune de tous, nous solliciterons la protection à ce moment-là. » Déclaration du 27 octobre 2020. https://www.aysor.am/en/news/2020/10/27/simonyan-csto/1762863

Pendant ce temps, les autorités arméniennes demandaient systématiquement « d’arrêter de douter et de faire confiance à l’armée ». 

Artsrun Hovhannisyan, le porte-parole de la Défense, dans une interview donnée le 8 novembre 2020, 24h avant la signature du traité de capitulation de Pashinyan annonce que la situation est difficile mais que nous allons gagner et que s’il n’était pas réellement convaincu de cela, il ne l’aurait jamais dit… https://youtu.be/J0QQsUOPI1Y Je me souviens avoir répété sans cesse à ceux qui m’entouraient et qui doutaient de ces positions « écoutez les déclarations de notre armée et ne tombez pas dans le piège de la propagande azérie. Les vidéos provenant d’Azerbaïdjan sont sûrement des montages… »

Et puis vient la journée noire, celle de la signature du traité. 

Le traité de capitulation de l’Arménie est signé le 9 novembre, jour de l’adoption du drapeau national de l’Azerbaïdjan. 

Le Premier ministre Pashinyan l’annonce sur Facebook à 1h30 du matin, heure locale. S’en suivent des heurts et une dégradation du mobilier national et le vol d’objets personnels appartenant au Premier ministre (parfum, montre, etc.) et le passage à tabac d’Ararat Mirzoyan, le président de l’Assemblée nationale. Il va sans dire que ces comportements violents sont inacceptables. On ne construit pas un pays en cassant le mobilier ou en frappant un représentant public. 

Le soir même Nikol Pashinyan explique son choix de capitulation par live Facebook, son moyen de communication préféré (à chacun sa technique : Donald Trump qui adore les tweets impulsifs, Nikol adore les lives FB impulsifs). Il avoue qu’en réalité, nous étions en train de perdre depuis les premiers jours (44 jours de propagande), que Shoushi est tombé et que c’était bientôt le tour de Stepanakert, que nous avons perdu toutes les positions stratégiques, et que c’est comme ça, il fallait signer la cession des ¾ de l’Artsakh et un corridor dans le Sud (DE L’ARMENIE) aux terroristes, sinon tous nous hommes allaient mourir. 

Et hop, les biens pensants se sont activés « sI vOuS eETeS pAs cOntEntS faLlait allEr vOuS bAtTre ». Ah. 

Je n’ai jamais vu cette bien-pensance se demander comment en sommes-nous arrivés là ? Comment Shoushi est tombée ? Shoushi l’imprenable ? Comment c’est arrivé ? Je vous invite à regarder l’interview du Maire de la ville qui vous donnera envie de pleurer quand vous comprendrez comment notre Gouvernement a littéralement ABANDONNÉ ce joyau de notre histoire pour lequel tant d’hommes avaient perdu leur vie. https://youtu.be/l6uB7vxla1M Shoushi était magnifique, son énergie ne se retrouvait dans aucune autre ville. Cet esprit de fierté qui y planait était unique et tous ceux qui aimaient véritablement cette ville vous diront la même chose. 

Tous, sauf Pashinyan qui vous dira « Shoushi était une ville triste et malheureuse. Vous aviez besoin de Shoushi ? Il fallait y investir » https://youtu.be/c39-aAkJUM0. Ce bon vieux « rien n’a été fait pendant 30 ans, ce n’est pas ma faute si on a perdu ». Encore une fois, je vous invite à regarder l’interview du maire de la ville. 

D’ailleurs, nous pouvons appliquer ce même raisonnement à toutes les villes d’Arménie en commençant par Yerevan, en disant « vous aviez besoin de Yerevan ? Vous n’aviez qu’à y investir ». Et ce raisonnement, les partisans de Pashinyan se sont fait une joie de le relayer « Shoushi ne valait rien, elle ne méritait pas la mort d’un seul homme » : https://youtu.be/6kO24WU4fwk Pashinyan s’offre un bain de foule à cette même manifestation, nous étions le 18 novembre. A la même période il faisait emprisonner les participants des manifestations anti-Pashinyan qui ont lieu en ville, sous prétexte qu’il s’agit là d’une entrave à « l’état d’urgence militaire » dans lequel le pays se trouve.

Passons. 

Les manifestations anti-Pashinyan continuent, la police utilise des moyens particulièrement brutaux pour arrêter les manifestants (dont beaucoup de soldats de retour du front), bloquer les rues est soudain devenu un danger ultime alors qu’en 2018 c’était à la mode. Les manifestants se font rouler dessus et les gens en commentaires espèrent que la prochaine fois, le manifestant qui se fait rouler dessus meure. https://youtu.be/bnuByz_rSkc Notons pour l’histoire que ce même manifestant a échappé de peu à la mort sur le front, ayant reçu une balle de la part des soldats azéris. Bref, passons là aussi. 

En attendant, quel est le comportement de notre Premier ministre préféré ? Il appelle à la vengeance du peuple https://youtu.be/EfswehACMXU, il appelle à régler les comptes de « ceux qui gémissent sous les murs » https://www.facebook.com/1378368079150250/posts/2813963898923987/?d=n, son équipe fait diffuser dans Yerevan, sur les panneaux publicitaires municipaux, des vidéos de soldats qui insultent les manifestants anti-Pashinyan. 

Imaginez vous dans un pays déjà sous tension et au bord de l’implosion, vous marchez et puis vous voyez sur les panneaux municipaux des vidéos Instagram de soldats qui insultent les manifestants. Le Défenseur des droits arménien, M. Tatoyan publie immédiatement un communiqué pour condamner la pratique. Cette pratique je ne sais pas quelle comparaison on peut en faire dans l’histoire de l’Arménie. Il ne s’agit même pas d’une simple affiche de propagande, il s’agit directement d’une vidéo d’insultes diffusée sur les panneaux publics de la ville… 

En attendant, en Artsakh, les gens brulent leurs maisons et s’en vont. Attendez, finalement certains ont brulé à tort leur maison, on s’est trompé vous pouvez revenir… https://www.facebook.com/309735964196/posts/10158907569609197/?d=n

C’était aussi le cas de Dadivank, rappelez-vous-en. Ter Hovhanes, le prêtre de l’Eglise souhaite enlever les khatchkars qui s’y trouvent puis on y apprend qu’Arayik Harutyunyan, le président d’Artsakh, lui dit qu’il n’a pas besoin de faire cela, Dadivank va rester sous contrôle russe. 

Les Arméniens, en attendant, affluent à Dadivank et pleurent sur l’épaule de Ter Hovhannes, le prêtre héros à la kalachnikoff dans une main, la croix dans l’autre, qui devient le symbole du gardien de nos monastères en Artsakh. 

Plus tard, le tribunal populaire des Arméniens de Facebook le réduira à un « sale mafieux qui s’occupe de la politique » parce qu’il aura pris la parole lors d’une manifestation de l’opposition en dénonçant la situation. 

Notons que Pargev Srpazan a également conduit la messe organisée par l’opposition pendant que Pashinyan faisait son show au Yerablour. Est-il un mafieux aussi ? 

Continuons. 

Viens le moment de la mine de Sotk, on apprend que 80 soldats azéris seraient entrés dans la mine arménienne et auraient dit aux employés de la mine de partir. Fidèle à lui-même, le Gouvernement nie https://a1plus.am/hy/article/386679?fbclid=IwAR1v2TXG9ZxZvYHddLgQXm9ffcrKnbUcA30_rnecYW-nT3_ws7FHeTPLEhY, puis, face aux nombreuses vidéos qui circulent sur la toile, est obligé de confirmer la réalité des faits et avoue que la mine sera finalement divisée en deux et s’excuse de cet oubli. Pas besoin de rappeler l’importance stratégique d’une mine d’or dans un pays comme l’Arménie…https://www.facebook.com/azatutyun/videos/3567730186646080/ 

C’est avec cette même légèreté qu’est traitée la question du règlement des frontières arméniennes. Le Gouvernement annonce que ces frontières sont tracées par GPS puis qu’ils vont utiliser celles de l’Arménie soviétique (imaginez la crédibilité d’un Gouvernement qui négocie sur la question de l’Artsakh en se basant sur les frontières de l’Arménie soviétique…………)

Que fait notre Gouvernement sur la scène diplomatique ? Il suffit d’écouter ce que disent en filigrane les diplomates de tous les pays notamment celui de la France qui rappelle à plusieurs reprises l’aide qu’elle a proposé et que l’Arménie n’a que rarement saisie. Il suffit aussi de voir la première déclaration d’Ara Aivazian, nouveau Ministre des affaires étrangères de Pashinyan qui annonce « qu’il n’y a pas eu d’erreur diplomatique mais que des erreurs militaires » https://www.facebook.com/330537565808/posts/10159434581355809/?d=n. Notons que l’Arménie n’a même pas pris la peine de se rendre à la réunion de la CEI, la Communauté des anciens pays soviétiques, pendant laquelle Aliyev a évidemment profité pour se présenter sous son plus beau jour. https://www.lagazetteaz.fr/news/politique/3659.html

Y’a-t-il besoin après tous ces arguments de parler également de la gestion catastrophique de la question des otages arméniens ? Après 1 mois d’attente, les parents exténués, qui ne savent plus à qui s’adresser face à l’incompétence du Ministère de la Défense s’adressent en dernier recours à Nikol Pashinyan. 

Un des parents décrit au Premier ministre la condition catastrophique à laquelle font face les soldats arméniens pris en otage. Pashinyan lui répond « vous ne vouliez quand même pas qu’ils dorment sur un lit deux places ? https://youtu.be/uvAaioBT_DA 

Et le jour où 40 otages arméniens sont enfin libérés, grâce à l’aide des soldats de la paix russe, de la Croix rouge et du Ministère des situations exceptionnelles artsakhiote, ce même jour de libération de 40 arméniens, 60 nouveaux soldats arméniens sont pris en otage par la partie azérie, complètement abandonnés par le Ministère de la Défense qui a tout bonnement « perdu le contact avec ces soldats ». On apprendra plus tard, par le biais du Défenseur des droits d’Artsakh, que ces 60 soldats arméniens disparus apparaissent dans les vidéos prises d’otages de soldats azéris. https://www.facebook.com/100000847389707/posts/3802180016486874/?d=n

Honnêtement je peux continuer comme ça pendant des heures. Je peux raconter comment un très proche de Pashinyan, Armen Martirosyan responsable de l’édition du livre du Premier ministre a déclaré que ce qui nous arrive (nous, les Arméniens) c’est de notre faute, il ne fallait pas aller construire nos maisons sur les territoires qui ne nous appartenaient pas https://www.facebook.com/100000470447447/posts/5525094440849516/?d=n…… Même Aliyev ne dit pas cela. 

Je peux aussi montrer comment, alors que nos otages étaient littéralement égorgés par les soldats azéris, le nouveau Ministre de l’Économie du gouvernement Pashinyan parlait d’ouvrir nos relations économiques à l’Azerbaïdjan et à la Turquie. https://norlur.am/2020/11/29/mer-sukan-hasaneli-kdarna-adrbejancineri-hamar-irenc-sukan-el-mer-vahan-kerobyan/?fbclid=IwAR0XCb4seCSJczPV9sWulmiyTkVUm9eROqw3iUnqt66eT9KV2R5AYr6N7vI#.X8Ok_8kUjCA.facebook

Et face à touuuuuuus ces problèmes, les Arméniens répondent par la magnifique solution toute trouvée : « vous voulez le retour des anciens, c’est ça ? ». 

C’est-à-dire que le plus important ce n’est pas que nous perdions nos territoires, ce n’est pas que chaque jour un peu plus l’incompétence du Gouvernement mette la sécurité de nos familles en danger, non. L’important c’est : « surtout, que les anciens ne reviennent pas. » 

Cette étroitesse d’esprit c’est celle qui explique notre état actuel. Oui, il ne faut surtout pas retourner à une période de corruption (quoi que, vu les liens personnels de Pashinyan il faudra d’abord prouver que nous en sommes réellement sortis) mais la question la plus urgente n’est-elle pas celle de savoir ce qui va rester de l’Arménie ? 

L’Arménien ne voit son choix qu’entre les corrompus et les incompétents. La comparaison est ridicule mais c’est comme si en tant que Français on résumait notre choix entre le PS ou l’UMP. Comme si nous n’essayions pas même de chercher ailleurs, non. C’est soit l’un, soit l’autre. 

Il s’agirait de se réveiller. De se dire que personne, pas même Dieu, ne pourra vous garantir que le prochain candidat qui arrivera sera meilleur que Pashinyan ou sauvera le pays. C’est un rêve que nous voulons tous, mais le Père Noël n’existe malheureusement pas. L’Arménie ne se transformera pas du jour au lendemain en la Suisse du Caucase. Les fausses promesses ne servent à rien. 

Par contre, ce qui est certain, c’est que même un enfant de 5 ans, peut se rendre compte de la trajectoire catastrophique adoptée par l’Arménie en ce moment : le pays va tout droit dans la gueule du loup. 

Et si nous ne changeons rien à cette trajectoire, Aliyev en a tracé une pour nous : Yerevan serait une terre historiquement azérie… 

Prenons la mesure de la situation. 

Cet article et tous les arguments qui ont été avancés ne sont malheureusement pas une science-fiction mais un scénario réel auquel nous sommes confrontés. 

Dans notre monde, les Arméniens se font égorger en toute impunité et notre Gouvernement enchaîne les incompétences. Fermer les yeux très forts, et espérer que cela passe n’améliorera pas la situation. 

« Le Zangezour, Goytchan (lac Sevan) et Yerevan sont des terres historiques azéries. Nous n’avons pas le droit de perdre ne serait-ce qu’une seule minute, il faut se préparer à une nouvelle guerre. Il est impensable d’envisager l’ouverture de relations diplomatiques ou commerciales avec ces nomades (en parlant des Arméniens). Celui qui essaie de nous convaincre du contraire est un traitre. » Ilham Aliyev lors du défilé militaire en présence d’Erdogan le 10 décembre 2020. 

Leur trajectoire est claire, non ? Quelle est la nôtre ? 

Anahit