Roupen Sevag, de son vrai nom Roupen Tchilingirian, né en 1885 dans le village de Silivri (Empire Ottoman) et mort assassiné le 26 août 1915 à Changra, est un poète, romancier et médecin qui s’impose comme une figure marquante de la littérature arménienne du début du XXᵉ siècle.
Après avoir mené une carrière médicale prometteuse en Suisse, il fait le choix de retourner à Constantinople pour se consacrer à la fois à son métier de médecin et à ses engagements littéraires et sociaux. Cependant, le contexte politique devient de plus en plus menaçant pour les intellectuels arméniens sous le régime des Jeunes-Turcs. En 1915, alors que les rafles du 24 avril ciblent les élites arméniennes, il est d’abord épargné en raison de son service en tant que médecin dans les hôpitaux militaires ottomans. Toutefois, en juin de la même année, il est arrêté et déporté à Changra, où il est assassiné le 26 août 1915 aux côtés du poète Daniel Varoujan.
Roupen Sevag suit une formation académique rigoureuse dès son plus jeune âge. Après avoir fréquenté le collège Askanazian de son village natal, il poursuit ses études à l’école américaine de Partizak pendant deux ans. En 1901, il intègre le prestigieux collège Berberian de Constantinople, où il approfondit ses connaissances littéraires et humanistes.
Diplômé en 1905, il est envoyé en Suisse pour poursuivre des études de médecine à l’Université de Lausanne. Il y excelle et obtient en 1911 son diplôme avec mention honorifique. Durant son séjour en Suisse, il commence à publier activement ses œuvres tout en exerçant dans divers hôpitaux lausannois. C’est également à cette période qu’il épouse une femme allemande, Yanny Apel, avec qui il aura deux enfants, Levon et Shamiram.
Malgré les opportunités d’une carrière médicale stable en Europe, il décide en 1914 de rentrer à Constantinople, animé par son désir de contribuer à la société arménienne et de poursuivre ses activités littéraires dans son pays natal.
Roupen Sevag se distingue par une œuvre profondément humaniste, marquée par une sensibilité aiguë aux injustices et à la souffrance de son peuple. Son style mêle lyrisme, engagement politique et réalisme, témoignant de l’influence des courants littéraires européens et arméniens.
Son recueil Le Livre Rouge, publié en 1910, contient des poèmes marquants tels que Le Fou des Massacres, La Femme Turque et Chant sur l’Humain. Ces textes dénoncent avec force la violence et l’injustice, tout en explorant les dilemmes moraux et existentiels. Il laisse également derrière lui trois recueils inachevés, Le Livre de l’Amour, Chaos et Les Derniers Arméniens, interrompus par sa disparition tragique.
Outre la poésie, il se consacre également à la prose. À partir de 1911, il rédige des nouvelles inspirées de sa pratique médicale, réunies sous le titre Pages du livre d’un docteur, publiées dans le journal Freedom Fight, l’organe officiel de la Fédération Révolutionnaire Arménienne. Ses récits, empreints de réalisme et de compassion, dépeignent avec justesse la condition humaine et la souffrance de son peuple face aux persécutions.
Roupen Sevag demeure une figure emblématique de la littérature arménienne, dont l’œuvre, bien que brutalement interrompue, continue de résonner comme un témoignage poignant du destin tragique des intellectuels arméniens du début du XXᵉ siècle.