Bedros Zmbayian Tourian, né le 20 mai 1851 à Üsküdar (Empire ottoman) et mort le 21 janvier 1872 à Constantinople (Empire ottoman), est un poète et dramaturge arménien considéré comme l’une des figures majeures de la littérature arménienne du XIXe siècle. Dès son plus jeune âge, Il montre un intérêt pour le théâtre et commence à traduire des pièces du français vers l’arménien alors qu’il était encore à l’école. Il devient célèbre de son vivant en tant que dramaturge (bien qu’il gagnât peu d’argent avec ses pièces) ; cependant, depuis sa mort, sa poésie a été davantage appréciée que ses pièces de théâtre. Il tombe malade de la tuberculose en 1871 et meurt l’année suivante. Tourian écrit des poèmes sur des thèmes de patriotisme, d’amour non partagé, de mort prématurée, de nature, et de sentiments de solitude et de désespoir. Ses poèmes ont été salués pour leur liberté par rapport aux conventions, leur spontanéité et pour avoir ramené les émotions profondes et la psychologie individuelle dans la poésie arménienne, faisant ainsi de lui « premier grand poète de l’amour de la poésie lyrique arménienne moderne ».
Dès l’enfance, Tourian fréquente l’école arménienne de Scutari, où il fut enseigné par le satiriste Hagop Baronian et le dramaturge Srabion Tghlian. Il apprend ainsi l’arménien classique (գրաբար), les œuvres classiques des historiens arméniens et les disciplines artistiques. Bien qu’il fût initialement un enfant maladif et n’excellât pas particulièrement, il réussit brillamment ses examens de fin d’année en 1865, recevant en récompense un recueil de poèmes d’Alphonse de Lamartine, auteur qui exerça une grande influence sur lui. Tourian se passionne pour la littérature arménienne et française, lisant des auteurs comme Lord Byron, William Shakespeare, Goethe et Friedrich Schiller, ou encore Victor Hugo et Alexandre Dumas. Passionné de théâtre, Toruian devient aussitôt dramaturge et acteur. Encouragé par le directeur de théâtre Hagop Vartovian, il traduit huit pièces du français, dont une de Victor Hugo, Le roi s’amuse, et une adaptation de Macbeth de Shakespeare, aujourd’hui perdues. Il écrit son premier poème à treize ans et sa première pièce, Վարդ եւ Շուշան կամ հովիւք Մասեաց (Rose et Lys ou les bergers d’Ararad), à quinze ans.
Diplômé en 1867, il travaille gratuitement comme professeur d’arménien avant de devenir secrétaire pour un commerçant arménien. Peu intéressé par ce poste, il consacre son temps à la poésie et finit par quitter ce travail après neuf mois. Tourian se lança alors dans le théâtre, contre la volonté de sa famille, traduisant et écrivant ses propres pièces, qui furent jouées et lui apportèrent une certaine reconnaissance, bien que peu de revenus. Assistant rédacteur au journal Օրագիր ծիլն Աւարայրւոյ (Le Germe d’Avarayr Quotidien), il publie quelques articles et poèmes sous différents pseudonymes, mais finit également par abandonner ce poste pour des raisons financières.
Par la suite, il rejoint le Օսմանեան թատրոն (Théâtre Ottoman) de Vartovian en tant qu’acteur. En 1870, il écrit Արտաշէս Աշխարհակալ (Ardashes le Conquérant), qui attira un public record. Ses œuvres suivantes incluent principalement des tragédies historiques : Անկումն Արշակունի հարստութեան (La chute de la dynastie Arshaguni), կործանումն Հռովմա իշխանութեան (La destruction du pouvoir romain), Շուշանիկ (Shushanig), et Մեծն Տիգրան (Dikran II). Թատրոն կամ թշուառներ (Le Théâtre ou les misérables), est cependant une pièce sociale abordant l’inégalité dans la société arménienne contemporaine. Սեւ Հողեր (Terres noires), une tragédie historique sur les invasions de Tamerlan, est restée sa pièce la plus jouée. Plusieurs pièces furent accompagnées de musiques de Dikran Tchoukhadjian. Il écrit aussi Տարագիր ի Սիպերիա (Exilé en Sibérie), une allégorie de l’exil de l’écrivain Mikayel Nalbandian, retrouvée après sa mort. Tourian quitta finalement le théâtre, estimant ne pas recevoir le respect mérité de Vartovian.
Parmi ses œuvres les plus marquantes figurent les poèmes լճակ (Petit Lac), Տրտունջք (Grief) et թրքուհի (La femme turque) ainsi que des pièces de théâtre comme Վարդ եւ Շուշան կամ հովիւք Մասեաց (Rose et Lys ou les bergers d’Ararad). Sa poésie se distingue par une profondeur émotionnelle exceptionnelle et un ton mélancolique, souvent centré sur la fragilité de la vie, l’amour impossible, et la souffrance existentielle. Tourian utilise un langage lyrique et des images riches en symboles, exprimant des thèmes universels avec une intensité personnelle. Son style, à la fois sobre et passionné, a profondément influencé la poésie arménienne et a fait de lui un pionnier du romantisme dans la littérature arménienne.