Les élections municipales sont sans conteste le rendez-vous incontournable de mars 2020. L’occasion de rappeler à quel point l’engagement dans la vie publique et le respect de nos acquis démocratiques, à travers le droit de vote, sont essentiels.
“ Citoyen (n.m) : per- sonne jouissant, dans l’État dont il relève,
des droits civils et politiques, et notamment du droit de vote (par opposition aux étrangers). Droits politiques : droits qu’a tout citoyen de participer à la vie poli- tique en étant éligible ou électeur. ”
Après cette trêve hivernale et les traditionnels vœux de nouvelle année, le grand rendez-vous à venir est celui des élections municipales qui se tiendront les 15 et 22 mars 2020. La frénésie entraînée par les élections en France est sans pareille, mais elle est d’autant plus sensible lorsque l’on procède à des élections pour des enjeux locaux.
Il n’est pas à douter que le lecteur du journal Haïastan, mais surtout celui de France Arménie, est au fait des problématiques qui nous animent et des combats que nous menons. Il ne s’agit pas de sujets qui datent d’hier, ils nécessitent un travail de longue haleine qui dure depuis des dizaines d’années pour consolider nos appuis en France et à l’étranger. Grâce à cette constance, nous pouvons aujourd’hui compter sur de nombreux soutiens. Le dîner du Conseil de coordination des organisations arméniennes de France, le CCAF, qui a récemment eu lieu, vient rappeler ce constat.
De nombreux modèles d’engagement
Comme pour chaque élection, les municipales sont l’occasion de retrouver des noms familiers engagés dans la vie politique française. Des générations d’immigrés arméniens qui ont fui le Génocide ou des situations de guerre dans leurs pays respectifs pour venir s’installer en France, voient aujourd’hui leurs enfants ou petits-enfants s’investir en retour pour la France, au profit du bien commun et du bon fonctionnement du service public.
A titre d’exemple, comment ne pas citer à Lyon, Georges Képénékian qui se présente à la mairie. Lyon, la deuxième ville de France avec plus de 2 millions d’habitants comptabilisés en aire urbaine pourrait avoir comme maire un défenseur de la première heure de la Cause arménienne. Particularité notable : les Lyonnais vont glisser deux bulletins dans l’urne, un pour la ville et l’autre pour la métro- pole lyonnaise pour laquelle se présente David Kimelfeld qui compte parmi ses soutiens et tête de liste des Arméniens engagés.
A Paris, sur les listes de la maire Anne Hidalgo ou dans la région parisienne à Alfortville, Arnouville, Livry-Gargan ou encore Issy-lès-Moulineaux, des adjoints municipaux d’origine arménienne travaillent depuis plusieurs années pour le développement de ces villes. A leurs côtés, les maires ont mis en avant la culture arménienne en France et se sont fréquemment engagés au profit de la reconnaissance du Génocide des Arméniens ou, plus récemment, ont signé des chartes d’amitié avec l’Artsakh.
Le soutien apporté à ces maires est d’autant plus important que l’on se sou- vient de l’épisode récent dans lequel l’Azerbaïdjan menaçait directement la maire de Bourg-lès-Valence, Marlène Mourier, pour avoir signé une charte d’amitié avec Chouchi en Artsakh. Ces intimidations nous rappellent que rien n’est anodin et que même une commune chiffrant 20 000 habitants peut contribuer à la médiatisation de sujets qui nous sont chers.
Dans ce contexte, aux Etats-Unis, l’Armenian National Committee of Ame- rica, l’équivalent du Comité de défense de la Cause arménienne (CDCA), avec la jeunesse de l’Armenian Youth Federation (AYF) avait lancé une campagne il y a quelques années intitulée #HyeVote (vote arménien). Elle incitait les Américains d’origine arménienne à s’inscrire sur les listes électorales et leur rappelait l’importance d’aller voter.

Voter est aussi la meilleure arme démocratique pour faire barrage face aux dangers des élus directement financés, ou sous influence de pays dictatoriaux étrangers.
Caviar et municipales
A ce sujet, l’élection municipale la plus suivie en France est probablement celle de Paris où l’Azerbaïdjan compte un soutien de poids. Ainsi, Rachida Dati, candidate à la mairie de la capitale, financée par le régime dictatorial des Aliev, est donnée 2e dans les sondages d’opinion. Dati qui qualifiait l’Azerbaïdjan d’“ exemple pour l’ensemble du monde musulman ” et félicitait chaleureusement Ilham Aliev lors de sa “ réélection ” est tellement proche du régime qu’elle co-organise avec Mehriban Alieva des dîners dans les jardins du Musée Rodin. Nul doute qu’il faut pouvoir faire barrage à son élection mais elle sera malheureusement loin d’être la candidate la plus dangereuse lors des prochaines échéances électorales.
Les Loups gris à l’assaut des communes
Le parti d’Erdogan, l’AKP, a développé ses filiales jusqu’en Europe et notamment en France. L’Union des démocrates turcs européens (UETD), relais de la communication d’Erdogan, avait organisé des réunions en faveur de la politique d’État turque, notamment pendant le référendum pour le président au pouvoir, mais aussi des rassemblements contre la reconnaissance du Génocide des Arméniens.
La DITIB, l’Union des affaires culturelles turco-islamiques, l’officine officieuse du pouvoir d’Erdogan, est aussi présente sur le sol français et mélange savamment la religion et la politique dans les villes où la communauté turque est nombreuse. De la même manière, le COJEP, Conseil pour la justice, l’égalité et la paix, est devenu le relais de la politique d’Erdogan, fondé par des anciens nationalistes Loups gris et islamistes, sortis du Milli Görüs, organisme islamique européen.
Toutes ces structures, et notamment la COJEP relayée par sa nouvelle vitrine, le PEJ, Parti égalité et justice, présentent leurs candidats dans les conseils municipaux dans toutes les villes de France. Ces derniers savent comment allier les considérations religieuses pour gagner le vote des musulmans en proposant de rendre l’aïd jour férié ou d’instaurer un menu différent dans les cantines scolaires pour les élèves musulmans par exemple. Mais derrière ce vernis de propositions, le président du PEJ, Sakir Colak, plaide pour une “réparation de l’arrogance européenne” par le développement de la culture turque-néo-ottomane. Évidemment, il nie le “soi-disant génocide des Arméniens” en ajoutant “qu’il n’a jamais été prouvé jusqu’à présent” dans une vidéo et au Figaro.
Bien qu’officiellement inavoué, les cadres de ce parti peuvent difficilement cacher leur accointance avec l’AKP. Les co-fondateurs sollicitent leurs sympathisants pour les inciter à la haine et à la violence à l’encontre, entre autres, de ceux qui s’opposeraient à la politique d’Erdogan. Ainsi, Ali Gedikoglu, président- honoraire du PEJ, publiait régulièrement des vidéos sur ses réseaux sociaux dénonçant tous ceux qui éprouvent de la sympathie pour les opposants au pouvoir. Une information judiciaire a été ouverte à la suite d’une plainte déposée à son encontre.
Il n’est nul besoin de rappeler l’évidence : il faut s’ériger en rempart face à ce parti dont les valeurs bafouent les idéaux démocratiques de la République française et les libertés européennes. Or, avec la sensibilisation, un des moyens d’opposition les plus efficaces en démocratie est le vote. N’oublions donc pas que la date limite d’inscription sur les listes électorales est le 7 février 2020 prochain et surtout, allons voter ! ■
Ani Hagopian
Publié dans France Arménie (Février 2020)
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